L’économie de l’art ne se limite pas au système triangulaire dominant : marché de l’art, mécénat, subventions. Des alternatives sont non seulement possibles, mais déjà en place.

L’économie de l’art ne se limite pas au système triangulaire dominant : marché de l’art, mécénat, subventions. Des alternatives sont non seulement possibles, mais déjà en place. Le Forum mondial des économies de l’art (FoméA) a été créé par la Biennale de Paris en 2018 pour faire connaitre des alternatives à ce système, souligner la dépendance entre l’art et l’économie et les enjeux de leur relation.

La première édition du forum s’est déroulée du 22 au 24 juin 2018 à l’Hôtel de Ville de Paris. La deuxième se déroule à Paris du 28 au 29 octobre 2024. La troisième à Bangkok lors de la Biennale de Paris à Bangkok entre le 21 et le 28 février 2025.

FoméA rassemble des artistes et d’autres professionnels de l’art, des spécialistes de l’économie et des acteurs sociaux autour de plusieurs axes qui seront abordés lors de conférences, tables rondes, discussions et incubateurs.

FoméA est le lieu où les artistes peuvent prendre connaissance de modèles économiques alternatifs et formuler leurs propres modèles économiques avec l’aide des experts.

Le forum a été créé en réponse à un contexte qui peut être résumé comme suit :

  • La plupart des artistes professionnels sont exclus du système économique actuel, discriminatoire, archaïque et déconnecté de la réalité. Ce système basé sur la sélection et la rareté, favorise une poignée d’artistes au détriment de la très grande majorité ;
  • Environ trois quarts des artistes professionnels vivent en-dessous du seuil de pauvreté, et notamment en France, Suisse, Belgique et Canada, bien que ces artistes aient des pratiques artistiques normalisées, répondant parfaitement aux attentes du marché de l’art ;
  • Le système économique de l’art, basé sur le marché de l’art, les subventions et le mécénat, assujettit les artistes et favorise des formes d’art standardisées, poussant l’art à être de plus en plus uniforme, et finalement de moins en moins art ;
  • Le marché de l’art étouffe la liberté de création en orientant l’art dans une direction qui est celle de ses propres intérêts, au lieu de laisser l’art prendre des directions imprévisibles, impulsée par les artistes, seules légitimes dans l’art ;
  • Les artistes proposant de nouvelles formes d’art sont totalement exclus du marché de l’art, des subventions et du mécénat, sans légitimité ni compétences, pour évaluer une pratique artistique en tant qu’art.

Cette situation résulte de plusieurs facteurs :

  • Les artistes se considèrent comme des êtres à part, et pensent que l’économie doit rester séparée de leur art ;
  • Ils se soumettent au système économique actuel et à un régime de précarité financière, dans lequel ils sont habitué à survivre, et qu’ils finissent par considérer comme normal ;
  • Ils se déresponsabilisent et délèguent l’économie de leur art à des tiers, agents du système dominant : marchands, collectionneurs, agences, galeristes… ;
  • L’absence d’organisation des artistes en syndicats ou fédérations leur donnant la possibilité d’avoir une capacité d’influence sur les décideurs politiques et économiques, à l’origine de l’absence de changement ;
  • L’inaction des responsables politiques, incapables de créer des lois contraignantes, permettant d’offrir aux artistes un statut économique et social minimum et durable ;
  • Le manque de considération pour les artistes dans la société, qui dans l’inconscient public sont considérés comme des personnes dotées de talent et de génie, devant travailler sans rémunération, vivre dans la précarité et la souffrance, pour qu’après leur mort soient pris en considération et valorisés symboliquement et financièrement ;
  • L’imperméabilité du système du marché de l’art, du mécénat et des subventions, aux pratiques sortant des critères artistiques fixés comme des références, de surcroît par des non artistes.

Axes.

1. Prise de conscience de l’influence de l’économie sur l’art.
Cet axe est consacré à des analyses visant à comprendre l’influence de l’économie sur les pratiques artistiques et sur la définition même de l’art. Il s’agit de constater la relation étroite entre l’art et l’économie, la soumission des artistes et de l’art à l’économie dominante, et la nécessité pour les artistes de prendre en charge la dimension économique de leur art.

2. Critique du système économique existant.
Cet axe regroupe des contributions visant à critiquer le système économique existant et son fonctionnement, composé de trois modèles dominants : le marché de l’art, le mécénat et les subventions.

3. Nécessité de sortir du système existant.
Cet axe permet de réaliser que ne pas sortir du système existant revient à accepter son influence, ainsi que l’absence de possibilité d’émergence de nouvelles formes d’art, ce qui équivaut à accepter l’absence d’art.

4. Modèles économiques existant en dehors du domaine de l’art.
Cet axe permet de constater qu’il existe une quarantaine de modèles économiques alternatifs tels que l’économie sociale et solidaire, l’économie bleue, l’économie circulaire, etc. Il s’agira de prendre connaissance de ces modèles et de voir en quoi ils peuvent être inspirants pour les artistes dans leur recherche d’un modèle économique adapté à leur pratique.

5. Modèles économiques dans l’art parallèles au système existant.
Cet axe met en avant des artistes ayant développé des économies alternatives au marché, aux subventions et au mécénat. Leurs modèles économiques sont le plus souvent, inspirés des modèles existant en dehors du domaine de l’art.

6. Incubateur de modèles économiques adaptés à des pratiques affranchies des normes de l’art.
Cet axe regroupe des ateliers permettant aux artistes d’élaborer des modèles économiques adaptés à leurs pratiques. Pour les institutions qui y participent, il s’agira de diversifier leurs sources de financement.

7. Laboratoire de création de pratiques artistiques à partir de modèles économiques existant en dehors du domaine de l’art.
Cet axe est composé d’ateliers permettant de formuler des pratiques artistiques singulières à partir de modèles économiques existant en dehors du secteur de l’art. Il explore la possibilité de devenir artiste à partir de l’économie.